Notre bière

Note sur la « Vi Keute » ou bière du vieux Namur

 ♪♫ « C’est l’vie Keute qui nos fait rire

On pous ès boer comme i faut

Car sept, huit pintes di bonn’bire

Ni saurainn’ nos fér do mau » ♫♪

(Chanson : Vive Namur po tot)

La vieille Keute était une forte bière, genre saison, un peu aigrelette de goût. On la brassait surtout pendant le mois de mars et on la laissait vieillir assez longtemps, parfois un an ou deux. Les caves de la cathédrale, du palais de Justice et de divers édifices publics étaient louées par des brasseurs à cet effet. La Keute était fabriquée dans la rue des Brasseurs, où l’on compta jusqu’à dix-huit brasseries. Dans celles-ci était également brassée une petite bière appelée « Middel » ou bière de moisson, à l’usage des paysans, car jusque vers 1870, les brasseries furent rares dans les campagnes namuroises. La « Vie Keute » au XIXe siècle était livrée par ponçon, tonneau d’environ 200 l., et la Middel par aime, qui, du moins à cette époque, avait la même capacité que le ponçon.

Jusqu’aux environs de 1860, la bière était portée à domicile par des porteurs jurés, dont une brigade se tenait en permanence à chacune des extrémités de la rue des Brasseurs. Ces porteurs venaient prendre la bière et la transportaient sur des chariots à bras dans la cave des consommateurs, moyennant une rétribution par tonne, de trois sous de Brabant, pour la ville et de cinq sous pour les faubourgs. (un sou de Brabant valait 9 centimes)

Les deux derniers cafés de Namur où l’on débita de la « Vie Keute » furent le « Café de L’Europe » sur la Grand-Place et l’Estaminet portant enseigne « A la Sonnette » rue des Brasseurs. Le dimanche soir et le lundi après quatre heures, tout bon Namurois allait prendre sa chope de Keute au « Café de l’Europe ». Dans la première moitié du XIXe siècle, la grande pinte se vendait un sou de Brabant, dans les derniers temps elle coutait dix centimes. La « Vie Keute » a disparu il y a environ cinquante ans.

Avant la révolution, les Namurois avaient à leur disposition pour étancher leur soif, quatre espèces de bières locales : la Keute, la Middel, la Houppe, et le Tordu. La Houppe semble avoir été une bière houblonnée; quant au Tordu, c’était tout simplement de l’eau versée sur le résidu après fabrication de bonnes bières.

Déjà au XIVe siècle, on brassait la Houppe à Namur ainsi qu’il en ressort d’une ordonnance de Guillaume 1er, comte de Namur, du 16 juin 1388, où cette bière est qualifiée de « forte cervoise ». La Keute apparait au siècle suivant. Le 7 février 1488, les « maistres et compaignons du mestier des brasseurs » de Namur, adressèrent une requête au souverain Bailli afin que le brasseur du château fut soumis comme eux aux impôts sur les « queute et houppe ».

A certaines époques, les bières de Namur furent recherchées à l’étranger. Un acte de l’année 1608 atteste que les cervoises de cette ville sont douées « d’une bonté tant rare et singulière qu’elles se transportent chacun an, en bien grande  quantité, par eau et par terre, fort avant vers la France jusque Maizières, vers Lorraine de quinze et vingt lieues distantes, comme du mesmes par les villes et villaiges du pays de Liège ».